Fête internationale des travailleurs et travailleuses...
Dans un passé pas si lointain, j'ai eu l'immense privilège de participer à la syndicalisation des employés de l'usine ABI de Bécancour. Au départ de cette campagne de maraudage, toutes les grandes centrales syndicales québécoises et tous les universitaires dans le domaine des relations de travail nous prédisaient une cuisante défaite. Après plusieurs semaines de travail et des centaines de rencontres individuelles avec les employés concernés, nous tournions en rond. À un moment donné, nous avons essayé de tracer le profil de ces travailleurs pour mieux les comprendre. Le constat de notre brainstorming fût déterminant pour la suite des choses. La surprise était totale et renversante.
D'abord première surprise, ils étaient tous entre 25 et 30 ans. En soustrayant 15 années, nous nous apercevions que ces personnes ont connu à l'âge de 10 ans les pires années de combats syndicaux. Ils avaient gravé dans leur mémoire d'enfant comment leurs mères et leurs pères ont souffert et pleuré durant de dures et dans certains cas, interminables grèves. D'autres étaient convaincus que la syndicalisation avait fait perdre les emplois de leurs parents. Deuxième surprise, ils étaient tous propriétaires de très grosses maisons. Nous avons appris que l'employeur les incitait à s'endetter plus que leur capacité de remboursement. En ce faisant, pris à la gorge, ils ne pouvaient refuser les heures supplémentaires au bon vouloir du patron. Troisième surprise, ils avaient tous promis de ne pas se syndiquer au moment de leur embauche.
Mais ce qui nous jeta par terre dans cette recherche caractérielle était sous notre nez depuis le début. Je vous le donne en mille: L'ORGUEIL! Toutes ces personnes avaient rencontrer des psychologues avant d'être sélectionnés à l'embauche. Ils n'étaient pas engagés en fonction de leurs compétences mais bien en fonction de leur incapacité à changer d'opinion sur la syndicalisation.
Autre constatation, ces travailleurs étaient incapable de porter un jugement sur quoi que ce soit qui les concernait. Ils ne pouvaient de ce fait dialoguer entre eux ou de se créer des amitiés professionnelles. Ils ne se connaissaient tout simplement pas même s'ils travaillaient un à côté de l'autre.
Fort de ce constat, nous avons changé diamétralement notre approche. Accepter de signer une carte de syndicalisation, ce n'est pas un acte de TÊTE mais bien un acte de COEUR. Nous avons donc délaissé le maraudage de ces travailleurs pour poser directement à leurs épouses la question suivante. "Quelle société voulait-elle laisser à leurs enfants?" Et les exemples ne manquaient pas. J'ai vu personnellement de ces hommes me recevoir sur le tapis de leur porte d'entrée en saignant du nez parce que les conditions de l'air de l'usine étaient exécrables. J'ai aussi rencontré un travailleur qui avait une plaque de métal pour remplacer un os de sa tête suite à un grave accident de travail. Dans son dossier médical, la direction de l'usine avait fait inscrire que son état était dû à son séjour dans une équipe de hockey. Je pourrais vous donner des exemples sur 4 pages.
Après réflexion, ces femmes ont demandé et obtenu de leurs maris, non pas de signer la carte syndicale pour eux, mais bien de les aimer assez pour les sécuriser elles et leurs enfants. Et vlan dans les dents des psychologues!
En ce premier jour de mai 2008, c'est à eux que je pense... Merci James Malonay...